En l’espace de 40 ans, le groupement d’artisans Socaps est devenu une coopérative d’envergure internationale, avant d’être la première ‘société à mission’ en Normandie. Un profil qui dénote dans les services industriels. Thomas Meyer, fils du fondateur et actuel DG, nous détaille les étapes d’une stratégie de développement qui a permis de tutoyer les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024.
Parlez-nous de Socaps et de votre activité…
Socaps, dont l’acronyme signifie « Société coopérative artisanale de prestations de services », intervient dans l’assistance technique industrielle avec pour objectif d’aider les fabricants de machines et les exploitants d’usines à mieux concevoir et installer leurs appareils, mais aussi en optimiser le fonctionnement dans le temps. En outre, nous proposons une offre de conseils en amélioration de performance industrielle, en performance écologique industrielle et en recrutement technique.
Chaque année, nous intervenons dans près de 120 pays, tout en disposant d’une présence locale dans environ 70 d’entre eux. Nous avons cependant maintenu une forte présence en France : outre notre siège social à Rouen, où nous avons vu le jour en 1984, la moitié de nos effectifs est basée en Europe et près de 40 % de notre chiffre d’affaires est enregistré dans l’Hexagone. Pour 2024, celui-ci est légèrement inférieur à 100 millions d’euros au niveau mondial.
Vous avez adopté le statut de coopérative, ce qui peut surprendre pour un groupe international. Pour quelles raisons ?
En structurant un partenariat entre deux entités distinctes, il s’agissait de répondre à la spécificité de nos métiers. En 1999, nous avons constitué la coopérative artisanale Socaps SA, propriétaire du fonds de commerce et de la marque qui appartient à ses 1 100 techniciens associés (via un peu moins de 500 entreprises individuelles). Ces derniers élisent un board chargé de veiller à ce que les intérêts des sociétaires et la stratégie de la coopérative soient conduits dans le respect de notre objet social, à savoir favoriser l’activité de nos sociétaires.
En parallèle, Socaps Group est une PME familiale qui emprunte la marque à la coopérative à des fins de prospection commerciale, mais aussi pour en organiser les projets. En déportant de la sorte les fonctions support, nous disposons du meilleur des deux mondes : la PME bénéficie de l’agilité nécessaire pour trouver des clients et l’ensemble des membres de la coopérative partagent la valeur créée, puisque 90 % du chiffre d’affaires est redistribué aux intervenants – ce qui n’est pas commun dans le monde du service.
En quoi cette organisation est-elle utile concrètement ?
En premier lieu, notre structure managériale est un atout. Ayant rejoint Socaps en 2006, j’officie comme directeur général de la coopérative, pour en conduire les activités, tout en étant gérant de la PME – structurée comme une holding animatrice qui détient toutes nos agences commerciales dans le monde. D’ailleurs, le mandat à la tête de Socaps SA est remis en jeu tous les quatre ans et j’ai ainsi été réélu en juin dernier afin de poursuivre mes actions aux côtés du président, Henri Duquesne.
Outre la pérennité de notre gouvernance, nos clients apprécient de disposer d’un seul interlocuteur et de ne pas avoir à gérer plusieurs intervenants pour traiter leurs besoins. C’est aussi de cette façon que nous pouvons proposer un réseau mondial structuré autour de règles de qualité et d’éthique communes, de sorte à offrir un standard nécessaire à la préservation des outils de production.
De façon concrète, cette organisation nous a aussi permis d’orienter notre stratégie. C’est ainsi que nous avons misé très tôt sur le déploiement à l’international, pour accompagner nos clients partout où ils sont présents, mais aussi sur la transformation numérique, en explorant notamment aujourd’hui les potentiels de l’IA pour optimiser l’efficacité et la qualité de nos interventions. Enfin, nous avons recentré nos actions dans quatre filières porteuses à l’échelle mondiale – l’agroalimentaire, la santé et la cosmétique, la robotique et la logistique automatisée, et dernièrement le cleantech. Tout cela a très bien fonctionné avec une croissance forte et linéaire jusqu’à la crise du Covid…
Qu’est-ce que cela a changé fondamentalement ?
Il a évidemment fallu nous réorganiser autour des équipes locales, puisque nous ne pouvions plus franchir les frontières. Jusqu’à cette crise inédite, c’était d’ailleurs une force pour notre groupe : nous avions su nous rendre indispensables auprès de nos clients à l’international tout en leur faisant comprendre l’intérêt de faire appel à nos artisans en France – qu’ils auraient peut-être écarté si ceux-ci n’avaient été que des intervenants individuels. En étant forts hors d’Europe, nous avons assuré notre présence dans l’Hexagone…
Cela étant, à la sortie de la crise, il nous a fallu repenser la façon de travailler tous ensemble. C’est pourquoi nous avons adopté la qualité de ‘société à mission’ créé par la loi Pacte, afin de promouvoir des valeurs identiques pour les sociétaires, les salariés et les prestataires locaux. Il nous a permis de clarifier nos combats dans notre stratégie RSE et plus largement de réfléchir à notre utilité sociale et environnementale en tant qu’agent économique : nous portons ainsi des sujets liés au handicap dans l’industrie, à la parité dans les ateliers de production, à la décarbonation industrielle et de nos activités, etc. C’est ainsi que nous avons placé une quinzaine de grands dossiers autour de notre raison d’être.
Je suis convaincu que l’entreprise ne peut plus être uniquement une source de profits : sans son écosystème, elle meurt ! En formalisant nos engagements et en les déployant à tous les niveaux de l’entreprise, nous agissons concrètement pour tenter de le préserver. Qui plus est, en explicitant nos actions, nous nous positions auprès de nos partenaires financiers, des pouvoirs publics ou encore des personnes qui pourraient avoir envie de nous rejoindre (les candidatures spontanées ont été multipliées par 10). Et surtout, nous n’avons jamais été aussi robustes que depuis que nous cherchons à être d’abord alignés avec nos valeurs. Toutes les entreprises peuvent en faire de même, d’autant que cela ne coûte que du temps-homme.