Fondée en 1909 par des agriculteurs du Loiret, la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) est bien plus que son nom l’indique… Liquides et produits alimentaires diversifiés ont aussi pris place sur les lignes de conditionnement. Entreprise familiale, proche de ses 2 000 collaborateurs, elle a su traverser la crise sanitaire en s’adaptant au jour le jour et en proposant de belles initiatives qui lui ressemblent. Entretien avec son PDG, Emmanuel Vasseneix, un dirigeant d’un nouveau genre.
Quelles ont été les grandes étapes de développement de LSDH ?
Le groupe LSDH est aujourd’hui le premier conditionneur français de jus de fruits et l’un des derniers producteurs indépendants de lait de consommation. Nous avons franchi pas mal d’étapes, en traversant notamment deux guerres et la mise en place de la Politique agricole commune. Reprise en 1947 par mon grand-père, Roger Vasseneix, puis dirigée par mon père, André, en 1971, la LSDH a ensuite été vendue en 1972 au groupe Celia. En 1992 j’y ai fait mon entrée pour démarrer l’usine de Saint-Denis-de-l’Hôtel, puis en 2002 j’en prends la direction générale. Ce n’est qu’en 2007 que nous sommes progressivement redevenus indépendants. Côté production, c’est à partir de 1984 que nous avons commencé à nous diversifier.
Parallèlement, en 2016, nous avons lancé avec Nicolas Chabanne la marque C’est qui le patron ?! Elle propose aux consommateurs de payer un peu plus cher leur lait, pour rémunérer les producteurs au juste prix et redonner fierté et sens à ce métier.
Quelles sont les valeurs de LSDH ?
Nous avons trois valeurs essentielles. D’abord la passion, car pour faire ce métier, il faut une foi inébranlable en l’hommes et les produits. Il y a aussi l’ambition. Celle d’être une référence, de nous développer tout en restant lucides et alertes. Notre marque c’est le savoir-faire des femmes et des hommes qui travaillent dans l’entreprise. Enfin, nous avons l’humanité qui guide pas à pas notre aventure entrepreneuriale. Nous veillons donc à ce que chaque nouveau projet soit aligné avec ces valeurs.
Nous venons de traverser une crise sanitaire inédite. Comment l’avez-vous affrontée ?
Il y a eu quatre étapes dans cette crise. La première a été le pré-confinement qui s’est traduit par des commandes impressionnantes en matière de biens de consommation et alimentaires. Durant la deuxième étape, celle du confinement, nous avons mis en place le télétravail pour les salariés, nous avons également pris des décisions au jour le jour en fonction de l’évolution sanitaire. Nous avons pu constater durant cette période, une réelle déconnexion entre ceux qui « pensent les solutions » face à la crise et ceux qui les appliquent au quotidien. Nous avons donc redoublé d’attention et de rigueur.
Ensuite, nous avons eu l’étape de gestion courante : nous nous attendions à un raz-de-marée au niveau des commandes et du personnel à l’arrêt mais cette phase n’a pas eu lieu. Enfin, la quatrième étape, celle du déconfinement qui a généré de nouveaux apprentissages : généralisation du port du masque, installation de plexiglas… Nous sommes parvenus à conserver un cap : suivre à la lettre les recommandations de l’ARS. Et pour rassurer davantage les salariés, je me suis très régulièrement rendu sur les sites pour échanger et renforcer les dispositifs sanitaires. De même, avec pédagogie, il a fallu rassurer les salariés qui avaient poursuivi leur mission sur site, en première ligne, alors qu’une partie des salariés avaient pu bénéficier du télétravail.
Quelles ont été les consignes particulières ?
Un mot d’ordre : conserver coûte que coûte la cohésion d’équipe ! Le télétravail tend à changer profondément le monde du travail et ses codes et je n’y suis pas favorable. 80 % de mes collaborateurs travaillent en production, rendant incompatible le télétravail. Nous avons un réel attachement au travail d’équipe, je suis le garant de cet état d’esprit et de l’homogénéité de nos équipes. Évidemment, lorsque la santé de nos salariés est menacée, nous appliquons les mesures qui s’imposent. Mais nous ne conserverons pas ce fonctionnement. Nous souhaitons retrouver nos équipes, entretenir la cohésion pour renforcer la proximité.
La crise aurait fait bondir la vente d’oranges et de jus. Qu’avez-vous constaté de votre côté ?
Les produits de première nécessité dont le lait et la crème ont explosé ! Multiplication des commandes par deux, par trois… C’était du jamais-vu. Cela s’explique par une hausse de la consommation des ménages, qui ont davantage cuisiné, mais aussi des professionnels qui commandaient habituellement auprès de pays étrangers. Les consommateurs ont repris le temps de se mettre à table pour un vrai petit-déjeuner équilibré. Parallèlement, nos commandes à destination des cafés, restaurants et fast-food ont été totalement gelées. S’adapter a été très difficile dans un contexte incertain.
Vous voulez aider les « pénalisés » de la crise sanitaire. Pourriez-vous nous parler de votre initiative ?
Avec Nicolas Chabanne, co-fondateur de C’est qui le patron ?! et grand humaniste, nous avons toujours prôné le principe d’équité. Suite aux ventes importantes notamment de lait, durant le confinement, il nous semblait naturel de partager une partie de notre marge avec ceux qui ont rencontré des difficultés. Cela s’est concrétisé par un don de 50 000€ au profit d’un Fond de solidarité des consommateurs et citoyens, également soutenu par la MAIF et Carrefour.
Ce don sera divisé en plusieurs sommes reparties selon les votes en ligne des consommateurs. Il a d’ores et déjà été acté que 20 000€ seront directement reversés au personnel soignant.
Par ce geste, nous espérons pouvoir apporter une bouffée d’oxygène aux petits commerçants ainsi qu’aux grands perdants de cette crise.
(Suite de l’interview dans la 2e partie…)