Avant que la transformation numérique ne se place parmi les tout premiers enjeux des entreprises, Niji a déployé une palette de métiers en retenant un positionnement peu habituel. Grâce à cette longueur d’avance, combinée à sa croissance organique, l’entreprise rennaise a accédé au statut d’ETI, que son président-fondateur aime qualifier d’« entreprise de taille idéale ». Décryptage d’une trajectoire inspirante.
Dans le segment des Entreprises de services numériques (ESN), Niji présente un profil unique résultant d’une vision et d’un historique peu communs. Quelle est votre spécificité ?
La vocation de Niji est d’accompagner la transformation numérique des entreprises, de l’idée à la réalité. Cette volonté nous a conduits à développer sous un même toit plusieurs métiers qui sont traditionnellement exécutés à l’unité par des entreprises distinctes qui leur sont dédiées. Ainsi, dès notre création, en 2001, nous avons pris le parti de combiner le conseil et la mise en œuvre technologique. Nous avons fait ce choix à une époque où ces activités faisaient l’objet d’une dichotomie très forte, convaincus qu’il était indispensable de mettre en phase la pensée et la réalisation des projets numériques, en adressant sur un même plan le « pourquoi », le « quoi » et le « comment ».
Cela a fait de nous une ESN particulière, ce trigramme ayant généralement une acception exclusivement technicienne, ancrée dans le « comment ». Une distinction qui s’est à nouveau renforcée lorsqu’un peu plus tard, nous avons décidé d’adjoindre à nos deux premiers champs de compétences un métier de design, traditionnellement exécuté par des agences spécialisées (design d’interaction, design d’intercafes et design créatif).
En exerçant ces trois métiers à l’unisson, nous les mettons naturellement en synergie, de façon séquentielle mais aussi de façon parallèle – lorsqu’il s’agit de déployer des méthodologies nouvelles, dites « agiles ». Cela nous confère le vrai pouvoir transformant que présentent d’ordinaire les start-ups, car nous sommes en mesure de proposer aux entreprises des stratégies de transformation numérique articulées autour de l’ensemble de ces idées.
Comment avez-vous nourri votre croissance sur cette base ?
Pour constituer progressivement un ensemble aujourd’hui fort d’environ 1 400 personnes et de 132 millions d’euros de chiffre d’affaires, nous n’avons jamais réalisé de croissance externe. Il est effectivement difficile d’intégrer valablement des cabinets de conseil, la plupart du temps structurés en partnerships, de même que des studios de design, généralement de petite taille et trop peu structurés. Cela aurait néanmoins pu être envisageable pour nos activités de technologie, plus volumiques, mais il se trouve que nous sommes toujours parvenus à alimenter leur croissance par nous-même.
Quoi qu’il en soit, notre ambition est de grandir et non de grossir. J’ai coutume de dire que pour grandir, il faut rester petits au risque de grossir, ce qui n’est pas la même chose : conserver les attributs du « petit » que sont l’humilité, la proximité, l’agilité, la proactivité, l’inventivité ou encore la réactivité. L’une des forces de Niji est d’être une ETI, au sens de la taille idéale et non intermédiaire, comme j’aime à le dire : nous présentons le meilleur des deux mondes, où les caractéristiques des « petits » côtoient celles des « grands » telles que la solvabilité ou encore la résilience.
En outre, Niji présente un fort tempérament régional. Après avoir évolué dans des grands groupes en région parisienne, je souhaitais créer une entreprise en Bretagne. A partir de notre siège social à Rennes, nous nous sommes rapidement développés à Nantes et à Lille, puis à Lyon et à Bordeaux – tout en disposant depuis la première heure d’une présence à Paris pour assurer une proximité avec les entreprises du CAC40. Au final, 60 % de nos effectifs sont basés en régions.
En quoi ces caractéristiques sont-elles un atout ?
Ce développement très endogène nous a conduits à apprendre à nous réinventer par nous-mêmes. Sur fond de paysage du numérique en constante évolution, il est indispensable de toujours conserver une longueur d’avance pour apporter à nos clients la preuve de nos actions. C’est d’ailleurs dans cette approche que nous avons érigé une nouvelle activité en speed boat autour de la cybersécurité, il y a quatre ans, puis plus récemment il y a deux ans dans la data et l’IA, en particulier l’IA générative. Cette logique de réinvention permanente nous permet de rester très en phase avec les attentes du marché tout en maintenant notre agilité.
De plus, j’ai toujours veillé à ce que notre portefeuille de clientèle soit le plus plurisectoriel possible, de sorte à ne pas être affecté trop frontalement lorsque certains secteurs économiques ralentissent – comme on peut régulièrement le voir depuis la crise du Covid. De toute façon, les entreprises ne peuvent plus évoluer uniquement dans leur verticale économique d’appartenance : de nombreux exemples montrent qu’elles sont en mesure de développer de nouvelles idées et de gagner des parts de marché, le cas échéant, dans d’autres secteurs que celui auquel elles appartiennent, et pas nécessairement dans des domaines adjacents. A titre d’exemple, le déploiement de la mobilité électrique concerne évidemment les constructeurs automobiles, mais aussi les acteurs de l’énergie, des télécoms (pour les bornes de recharge), de la banque (pour gérer un modèle d’économie de l’abonnement) ou encore de l’assurance. Le déploiement du numérique démontre que la transversalité est un atout.
Et qu’en est-il de votre feuille de route ?
Elle nous a récemment conduits à nous tourner vers l’international, même s’il est toujours délicat d’être présents dans des pays dont les usages locaux diffèrent des nôtres. Néanmoins, cela suppose de sélectionner les zones dans lesquelles se développer, de façon pragmatique. C’est ainsi que nous avons d’abord retenu Singapour pour nos premiers pas hors de l’Hexagone, en 2019, car ce hub de l’Asie du Sud-Est est susceptible de nous être utile pour accompagner des clients dans l’industrie. Plus récemment en 2023, nous avons pris le contrôle d’une entreprise marocaine, de sorte notamment à répondre aux attentes de certains grands groupes clients, exprimées dans le cadre de leurs appels d’offres.
Sans que cela ne soit l’objet d’aucun dogme, je reste persuadé, à titre personnel, que la croissance organique est de très loin la plus saine pour l’entreprise, ses valeurs, ses clients et ses équipes ; elle peut être complétée « à la marge » par de la croissance externe ciblée. Cela suppose de conserver à la tête de l’entreprise un état d’esprit entrepreneurial fort, à l’écoute des signaux faibles, prêt à reprendre en permanence du risque pour générer de nouvelles opportunités d’affirmation de sa proposition de valeur. C’est, de mon point, le rôle le plus « clé de voûte » du chef d’entreprise.