Un matin de novembre 2019, l’équipe de Lise Charmel a eu une très mauvaise surprise : l’ensemble de son système informatique se retrouvait crypté suite à une cyberattaque exécutée dans la nuit. Cette attaque a mis l’entreprise en grande difficulté, quelques mois plus tard, elle était placée en procédure de redressement judiciaire. Olivier Piquet, directeur général, nous raconte comment son entreprise a su sortir grandie de cette épreuve.
Comment Lise Charmel a réussi à se faire une place dans le monde de la lingerie ?
L’entreprise Lise Charmel, fondée il y a plus de cinquante dans le quartier de la Soie à Lyon, est portée par un ADN singulier : la créativité technique mise à disposition de la mode. Ainsi, nous avons par exemple développé des broderies avec une grande élasticité, afin de proposer à nos clientes des modèles de soutiens-gorge parfaitement confortables. Nous apportons une préoccupation constante à l’innovation et à l’intégration des techniques avancées dans la lingerie.
Gage d’un positionnement premium, nous intégrons en interne la conception, la fabrication, l’acheminement et même la vente.
En novembre 2019, Lise Charmel est victime d’une cyberattaque qui va durement impacter votre activité. Comment avez-vous traversé cette épreuve ?
Pendant plus de trois semaines, toute notre activité a été mise à l’arrêt. Comme notre processus de conception et de fabrication est entièrement automatisé, nous ne pouvions plus produire ni livrer et avons même dû fermer nos points de vente, faute de pouvoir encaisser nos clients. C’est là toute la limite de la fabrication moderne : quand il y a un grain de sable, tout s’enraye. Notre système informatique était entièrement crypté et, pour le remettre en état de fonctionnement, les hackers nous demandaient une rançon. Nous prenons alors assez rapidement la décision de ne pas céder. Nous ne savions pas combien de temps le chantage financier pouvait durer, nous avons donc saisi cette occasion pour réaliser une restauration complète de notre système informatique.
Au bout d’un mois, nous avons pu redémarrer le système, en restant très prudent. Ne connaissant pas l’origine de la faille, nous prenions toutes les précautions : nous débranchions, par exemple, nos accès à Internet chaque nuit. Nous avons procédé à de nombreux tests, mais heureusement nous avions fait de nombreuses sauvegardes donc la casse a été minime.
Vous ne savez toujours pas d’où venait la faille ?
Si, depuis nous l’avons détectée, il s’agissait d’un mail ouvert par l’un de nos collaborateurs. Bien souvent, lors de cyberattaques, l’erreur est humaine. C’est pourquoi nous sensibilisons nos équipes au risque et nous faisons aujourd’hui encore beaucoup de simulations.
Quelques mois après cette cyberattaque, vous avez placé Lise Charmel en procédure de redressement judiciaire, pourquoi avoir pris cette décision ?
Nous avons pris cette décision de façon collégiale pour nous protéger dans ce moment extrêmement compliqué. Les outils juridiques proposés par le tribunal de commerce peuvent constituer un vrai atout pour les entreprises. Nous avons ainsi trouvé des accords intéressants vis-à-vis de nos financeurs. La procédure nous a offert également des outils permettant de faire évoluer l’organisation, comme la possibilité de rompre le bail de boutiques que l’on envisageait de céder parce qu’elles étaient moins rentables.
Quels ont été les éléments moins positifs ? Quels écueils avez-vous identifiés ?
Cet univers singulier, aux spécificités techniques, règles et fonctionnement précis, peut engendrer une forte incompréhension entre les instances et les entreprises… En résumé je dirais que l’arsenal juridique français en la matière est une vraie chance pour les entreprises, mais que le terrain autour de ces procédures est très glissant…
C’est pourquoi il est indispensable d’être bien accompagné pour se lancer dans une telle procédure, il faut pouvoir se reposer sur des gens qualifiés qui connaissent ce milieu, que ce soit pour la partie juridique ou financière.
La procédure de redressement judiciaire pourrait être comparée à une médecine d’urgence, cela impose donc aux autorités de prendre des décisions rapides, qui peuvent sembler brutales, voire injustes. Il est important de se préparer à cela.
Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Longue et éprouvante, la procédure de redressement judiciaire a duré dix-neuf mois. Nos équipes ont fait preuve d’un engagement remarquable et ont tenu le cap pendant toute cette période. Notre clé de la réussite a définitivement été notre équipe. Nous sortons de cette procédure en bien meilleure santé financière, avec plus de trésorerie et une stratégie plus affinée. Il faut le dire quand les choses fonctionnent, le redressement judiciaire a été, pour nous, salvateur !