Entreprise familiale lancée il y a plus d’une décennie, les Champignons LOU ont fait de la production française un atout majeur. Après la création, en Bretagne, d’une première champignonnière unique en son genre en 2015, deux nouveaux sites vont bientôt voir le jour… De quoi faire basculer la PME du côté ETI. Retour sur une structure qui pousse vite, avec Emmanuelle Roze, sa fondatrice.
Comment est née l’aventure des Champignons LOU ?
Nous avons créé l’entreprise en 2009, avec mon frère et mon mari. Ce dernier et moi-même étions déjà dans le secteur du champignon.
Les premières années, nous allions chercher nos champignons à l’étranger, aux Pays-Bas, puis en Irlande et en Pologne, car nous n’en trouvions pas en France. Nous savions pourtant qu’une des clés de notre réussite serait la production locale. Nous sommes donc allés chercher les financements pour construire notre propre champignonnière qui a vu le jour en 2015, à Poilley (35).
Quels ont été les défis rencontrés au moment de l’ouverture de ce site français ?
Nous sommes partis de zéro sur un métier très peu connu en France. A mi-chemin entre l’agriculture et l’agroalimentaire, il nécessite beaucoup de main d’œuvre, tout étant ramassé à la main. Il a fallu convaincre les banques, d’autant que cela nécessitait un budget important (12 millions d’euros d’investissement). Nous sommes passés rapidement de 4 à 150 salariés, et nous avons dû former tous nos cueilleurs (il faut minimum trois mois pour être performant sur ce poste).
Il a fallu ensuite 2-3 ans pour atteindre la rentabilité et envisager de nouveaux investissements. Nous avons ainsi agrandi notre champignonnière de Poilley fin 2020. En 2021 nous en ouvrirons une à Landivy (en Mayenne) – elle sera dédiée entièrement à la production bio – ainsi qu’un site au Puy-en-Velay (en Haute-Loire), qui nous permettra de distribuer, avec un moindre bilan carbone, tout le sud de la France. Rien que pour le site de Landivy, nous prévoyons l’emploi de 150 salariés en CDI.
Comment avez-vous choisi votre positionnement sur ce marché des fruits et légumes ?
Depuis le début, notre stratégie marketing s’appuie sur le consommateur et ses attentes, en matière de qualité et d’usage. Il y a manifestement un déficit de qualité sur l’offre des fruits et légumes en grande distribution. Les consommateurs réclament pourtant du frais, du sans pesticide et du local : c’est la promesse de nos champignons Lou. La proximité est d’autant plus importante pour les champignons, qu’ils sont fragiles et supportent mal le transport. C’est ce qui a motivé le développement de nouvelles champignonnières sur tout le territoire.
Comment une entreprise de l’agro-alimentaire comme la vôtre fait face aux grands enjeux actuels, notamment environnementaux ?
Notre engagement premier, c’est de cultiver nos champignons sans aucun pesticide.
Membre actif de Demain la terre – association regroupant des producteurs responsables – notre politique RSE s’appuie sur leur charte, développée par les producteurs eux-mêmes. Elle apporte aux consommateurs les preuves crédibles de notre engagement, axé sur la santé, la qualité et le respect des Hommes et de l’environnement.
Concrètement, notre site est conçu de façon écologique : nous récupérons un maximum d’énergie pour chauffer nos bâtiments, nous avons développé un process moins gourmand en eau par rapport à la moyenne de la profession… Tous nos sites seront construits sur le même modèle. Par ailleurs, nos déchets sont revalorisés, notamment dans l’agriculture et nos fournisseurs partenaires sont géographiquement proches de nous, pour limiter l’empreinte carbone. Enfin, pour favoriser la biodiversité, nous installons des ruches sur nos sites.
Comment avez-vous affronté la crise sanitaire ? A quel point a-t-elle impacté votre activité ?
Nous avons vécu une période complexe mais nous n’avons jamais arrêté de travailler. Au contraire, nous nous sommes retrouvés, lorsque les restaurants ont fermé, avec des demandes massives des supermarchés. Les consommateurs se sont en effet remis à cuisiner, et notamment des champignons. Pour ne pas créer de rupture en magasins, nous avons du travailler en cette période, encore plus qu’à l’accoutumée, main dans la main avec la grande distribution.
Pourtant, le risque humain était important : si nos salariés n’étaient pas venus travailler, cela aurait été très compliqué… Heureusement, nous investissons beaucoup dans nos RH depuis 5 ans, notamment sur le bien-être au travail. Nous avons vu qu’en cette période difficile, cela a payé : nos équipes ont compris pourquoi elles venaient et pourquoi nous avions besoin d’elles. Elles se sont senties impliquées et nous avons tout fait pour les protéger en retour.
En tant que créatrice d’entreprise, quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance, tout particulièrement en période de crise ?
Avec ce que nous avons traversé depuis nos débuts, je me dis : “heureusement que nous avons fait ça à trois !”. C’est très compliqué d’entreprendre seul et être à plusieurs, unis et complémentaires, a été notre grande force. Par ailleurs, notre entreprise, nous la connaissons par cœur : nous l’avons imaginée, créée de A à Z et y avons pratiqué tous les métiers. Il est nécessaire de « faire » avant de « faire faire » pour comprendre comment ça marche. Cela permet ensuite de recruter les bonnes personnes et, chose importante, avec des valeurs communes.