Rôle des professionnels du chiffre, gestion de la gouvernance, troisième vie du dirigeant… Jean-Michel Picaud, associé RSM, nous éclaire sur les enjeux de la transmission d’entreprise.
Quel est le principal motif de cession d’entreprise ?
Dans une grande majorité des cas, les transmissions interviennent dans le cadre de successions. Dans cette hypothèse, la transmission peut se faire soit au profit d’un membre de la famille, les enfants la plupart du temps, soit au bénéfice d’un tiers étranger à celle-ci.
Pour mener à bien une opération d’une telle ampleur, le chef d’entreprise fait en général appel à différents conseils, qui doivent constituer une équipe soudée au service du dirigeant et de l’entreprise : des professionnels du chiffre, des notaires, des avocats, ou encore des conseillers financiers.
Quels sont les conseils que vous donnez aux dirigeants désireux de céder leur entreprise ?
Tout d’abord, il est impératif que le dirigeant perçoive la transmission comme un acte normal de gestion. Tout dirigeant prenant les rênes d’une entreprise doit avoir en tête qu’un jour il devra la transmettre. D’où la nécessité d’anticiper cet évènement afin que la passation soit gérée au mieux. La transmission doit être vécue comme une opportunité tant pour le dirigeant sur le départ, pour son successeur, que pour l’entreprise.
Chez RSM, nous les accompagnons tout particulièrement sur la mise en forme de leur dossier de transmission, ce qui recouvre notamment un document présentant financièrement l’entreprise. Souvent, celui-ci comporte ce qu’on appelle une « vendor due diligence ». Ensuite, nous les accompagnons dans la recherche de ce successeur.
La réalisation d’une transmission prend combien de temps ?
La durée du processus de transmission varie en fonction des clients. Mais en présence d’une cession intrafamiliale, j’ai tendance à dire qu’il faut privilégier le temps long avant que la transmission ne soit effective. Il est impératif d’avoir un temps d’accompagnement. Concrètement dans une telle configuration, je préconise une durée d’un an à un an et demi minimum.
En règle générale, quel est le critère qui l’emporte dans le choix du successeur ?
En pratique, il est possible d’identifier trois principaux types de dirigeants. Le premier c’est un dirigeant transmetteur qui est désireux d’anticiper la succession. Il sait de longue date qu’il va transmettre l’entreprise et souhaite que l’opération se fasse de façon structurée. Là c’est le feeling qui va primer.
Le second type de dirigeant correspond à celui qui refuse de procéder à une cession intégrale de son entreprise. Il n’est pas rare qu’il ne cède qu’une partie de son entreprise : la plupart du temps il se sépare des fonctions opérationnelles mais conserve le management général dans son giron. En général, cet état d’esprit peut être un facteur de complexité supplémentaire. Au cas particulier, le dirigeant sera peu sensible à la question du feeling. Sa seule préoccupation sera de savoir comment il va pouvoir peser au sein de la nouvelle organisation.
Enfin, nous croisons des dirigeants collaboratifs et prudents. Ceux-ci cherchent à obtenir un consensus autour de la transmission. Ces dirigeants veulent s’assurer que la personne retenue sera la plus qualifiée possible. Dès lors, les compétences deviennent encore plus cruciales.
Quid du rôle de la gouvernance ?
Il est impératif que la gouvernance, qui souvent reste inchangée après la cession, et les cadres de direction viennent accompagner le nouveau dirigeant pour qu’il puisse s’acculturer à ce nouvel environnement. Les rares échecs frappant une transmission résultent d’un schisme entre la gouvernance et le nouveau dirigeant qui arrive.
Il peut être pertinent, en vue de la transmission, de nommer un administrateur référent au sein de la gouvernance. Il sera le conseil du président qui va céder et lui apportera un œil extérieur qui va potentiellement challenger ses décisions. Cet administrateur peut aussi faire office de confident et de médiateur en cas de conflit.
Que conseiller à un dirigeant souhaitant rester actif après la transmission ?
Dans le cadre des travaux de l’Institut Français des Administrateurs (IFA), nous préférons éviter le terme de retraite à propos d’un dirigeant placé dans cette situation. Nous lui préférons la notion de « troisième vie du dirigeant ». Cette séquence qui suit la cession, lui permet de relever de nouveaux challenges et d’apporter à d’autres entreprises son œil extérieur, son expertise. Cela peut prendre la forme de missions de conseil, mais pas seulement. Le dirigeant peut aussi s’engager dans des associations ou des syndicats professionnels.