En signant son troisième LBO à l’été 2024, l’ETI industrielle affiche son ambition de s’étendre hors d’Europe, forte du succès rencontré depuis sa prise d’indépendance huit ans plus tôt. Retour sur les étapes clés franchies par cette entreprise dont l’origine remonte à la fin du XIXème siècle, avec son CEO, Cyril Fournier-Montgieux.
Enchaîner les LBO est parfois vu comme une suite d’opérations exclusivement à caractère financier, mais ce n’est pas l’approche retenue par Babcock Wanson. Quelle a été la logique de vos changements successifs d’actionnaires financiers ?
Au cours des huit dernières années, nous nous sommes associés à des fonds d’investissement dans le but de nous donner les moyens de répondre à nos ambitions de croissance, en procédant étape par étape. Lorsqu’il s’est agi de nous émanciper en 2016 du groupe industriel CNIM – où nous disposions déjà d’une certaine indépendance –, il y a d’abord eu une phase de structuration de l’entreprise, pendant laquelle nous avons aussi amorcé notre politique de croissance externe, au Benelux. A l’époque, il s’agissait de continuer de déployer nos métiers historiques de constructeur de chaudières industrielles et de fournisseur d’équipements permettant de réduire les émissions polluantes, tout en proposant un ensemble de solutions pour permettre à nos clients d’assurer leur transformation énergétique et de réduire leur empreinte environnementale. Pour ce premier LBO, nous avons choisi de nous allier au FCDE – majoritaire – et à Kartesia, au moment où nous affichions environ 85 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 70 % en France).
En 2021, lors du deuxième LBO où notre actionnaire minoritaire est devenu majoritaire, nous avons invité Irdi Capital Investissement – un fonds localisé dans le Sud-Ouest où nous possédons notre base française principale, dans le Lot-et-Garonne. Ce fut l’occasion de conclure des acquisitions plus structurantes afin de continuer de développer nos solutions de transition énergétique. C’est ainsi que, fin 2022, nous avons acquis le leader européen des chaudières électriques industrielles, le norvégien Parat, ou encore le constructeur de chaudières et fournisseur de services allemand VKK, au printemps 2024, pour compléter notre maillage européen. Aujourd’hui, nous sommes présents dans onze pays et nous employons 1 200 personnes (dont 400 techniciens sur le terrain), pour un chiffre d’affaires avoisinant les 300 millions d’euros – dont 40 % issus de notre activité de services.
Dernière étape en date : en vue de prolonger notre trajectoire de croissance hors d’Europe, à la fois en permettant l’optimisation de la performance des chaudières gaz, mais aussi en développant des solutions à partir de gaz non fossiles ou encore des solutions de réduction d’empreinte CO2, nous avons conclu cet été un nouveau LBO en compagnie d’Ambienta, accompagné par Kartesia.
En quoi cet actionnariat répond-il à vos attentes actuelles ?
Le choix de ce nouvel investisseur majoritaire est important pour nous dans la mesure où Ambienta est, de par son ADN, particulièrement sensible à notre raison d’être, articulée autour de la décarbonation, et à notre trajectoire RSE, amorcée il y a deux ans. Comme il investit dans des entreprises qui travaillent de façon active à la réduction de leur impact carbone, nous nous sommes retrouvés autour d’une cohérence stratégique où convergent nos ambitions et sa politique d’investissement.
En effet, toute notre R&D a pour objectif de permettre de trouver des optimums de rendement pour les équipements que nous proposons – ce qui se traduit par l’élaboration de fiches de certificat d’économie accompagnant nos produits. En outre, notre politique d’innovation permanente nous a notamment conduit à développer des brûleurs micro-modulants (qui permettent des plages de variation très importantes, occasionnant des gains de rentabilité), des instruments régulant le traitement d’eau pour assurer le bon usage des chaudières et en accroître le rendement, etc. Tous nos développements technologiques ont pour finalité la réduction de la consommation énergétique.
Et pour prendre en considération ces évolutions et la multiplicité de nos produits, nous avons mis en place un centre de formation, destiné à accompagner à la fois nos clients mais aussi nos équipes en interne.
Avez-vous ressenti un réel intérêt des fonds pour l’ESG ?
Tous les fonds, quels qu’ils soient, abordent à un moment donné des discussions la question des thématiques ESG, de la décarbonation, etc. Ils sont eux-mêmes soumis à un reporting précis sur ces aspects-là, du fait de l’intérêt des marchés financiers et de leurs souscripteurs. Cela étant, Ambienta se démarque par le fait qu’il dispose en interne de sa propre équipe ESG, intervenant en parallèle de l’équipe d’investissement et appelée à valider le projet d’investissement sur la base de la démarche de la cible.
L’approche de cette équipe, puissante et particulièrement structurée, fait écho à la trajectoire ESG que nous avons initiée. De façon concrète, cela nous permet d’échanger de façon plus dynamique que nous n’aurions pu le faire avec d’autres investisseurs qui pourraient être davantage suiveurs sur ces sujets…
Comment cela affecte-t-il éventuellement votre stratégie ?
Cela nous conforte notamment dans nos ambitions de croissance externe. Notre objectif, au travers des acquisitions, est de rechercher toutes les solutions technologiques complémentaires à offrir à nos clients pour leur transition énergétique, tout en réfléchissant à l’élargissement de notre offre de services – dont la finalité est d’optimiser le fonctionnement des chaufferies dans le temps. Par conséquent, notre politique de rachats cible exclusivement des entités s’inscrivant dans ces préoccupations de transition énergétique.
Il faut avoir en tête que 99,4 % de notre propre empreinte carbone correspond au « scope 3 » – à savoir celle générée par les équipements placés chez nos clients industriels. Les émissions de leurs chaudières prennent donc une place très importante. Cela ne nous exonère évidemment pas de réduire notre propre empreinte carbone, mais nous avons aussi le devoir de leur proposer par exemple des chaudières électriques extrêmement puissantes dans l’optique d’engendrer une immense économie de carbone.
Cela étant, la stratégie de croissance à l’international que nous affichons ne signifie pas que nous délaisserons notre ancrage dans l’Hexagone. Nous sommes particulièrement attachés à l’écosystème régional du Sud-Ouest : nous avons décidé d’investir plus de 20 millions d’euros pour doubler la capacité de notre implantation historique, à Nérac, où ne devrions poser la première pierre d’un deuxième site au début de 2025.