Dédié aux décideurs de la fonction finance des secteurs du luxe et de la distribution, le « Club Retail RSM » s’est réuni fin 2024 pour aborder le thème « L’IA au service des DAFs : quels leviers à activer ? ». L’occasion de dresser un état des lieux objectif entre risques et opportunités liés à l’usage de l’intelligence artificielle, comme l’évoque Caroline Brigot, associée au sein du pôle Expertise Conseil et animatrice du « Club Retail RSM »
Quelle est la raison d’être du « Club Retail RSM » ?
Caroline Brigot : Depuis sa création, en novembre 2016, le « Club Retail RSM » a pour vocation de réunir des directeurs financiers et des directeurs comptables en poste dans des entreprises de toutes tailles du secteur du luxe et de la distribution. Fonctionnant sur un système de cooptation, il permet à ses membres d’échanger librement leurs points de vue et analyses personnelles sur des thématiques que nous leur proposons de décrypter ensemble, grâce aux éclairages d’experts de RSM ou d’intervenants extérieurs. Ainsi, après avoir notamment exploré les problématiques liées à l’omnicanalité, à la gestion du stock et des invendus, aux répercussions de la directive CSRD sur les stratégies RSE, aux contrôles fiscaux ou encore à la gestion immobilière d’un réseau de boutiques, nous avons souhaité aborder un thème éminemment d’actualité : l’intelligence artificielle.
Sujet particulièrement vaste! Comment l’avez-vous abordé ?
Caroline Brigot : Une directrice financière membre du Club nous avait interpelé sur cette question. A la lumière de son expérience au quotidien, elle souhaitait évaluer comment pouvoir l’intégrer dans ses équipes de façon pratico-pratique. En raison des développements récents de l’IA générative et de ce que cela peut impliquer sur les façons de travailler, il nous apparaissait pertinent d’aller dans son sens, tout en battant en brèche une idée récurrente depuis une quinzaine d’années : le comptable ne disparaîtra pas encore de l’entreprise, néanmoins, la profession est vouée à évoluer avec ces nouvelles technologies et changements dans les méthodes de travail.
Sollicités pour cette réunion, les experts de l’équipe Transformation Numérique et Management de l’Innovation de RSM ont rappelé que, de façon intuitive, et quel que soit le secteur d’activité dans lequel on intervient, chacun a plutôt tendance à vouloir déterminer en priorité l’intérêt de recourir à l’IA, alors qu’il est préférable de commencer par identifier ce que l’on cherche à effectuer et comment cet instrument novateur peut y contribuer. Par voie de conséquence, c’est en étant concret quant aux objectifs poursuivis que l’on peut en retirer un bénéfice, comme pour toute innovation dans le domaine de l’informatique. Ici, il s’agit souvent de planifier des études d’opportunité dans l’objectif d’optimiser les coûts, de réduire la fraude… mais aussi de jouer en faveur de la marque employeur et de l’implication des collaborateurs.
De quelle façon faire de l’IA un atout financier ?
Dans le cas du retail, nous sommes face à des produits matériels qui dégagent une valeur fondamentalement différente des flux immatériels. L’IA y aura donc un intérêt très spécifique : l’analyse des comportements clients permettra de formuler des recommandations sur les produits, de travailler sur une interaction pour prodiguer des conseils (réels ou virtuels), etc. Même si ces points ne sont pas au cœur des discussions du « Club Retail RSM », stricto sensu, ils doivent être pris en compte car tous ces éléments donneront lieu à un traitement en gestion, et donc en comptabilité. C’est en cela que l’IA apportera un bénéfice, par le biais d’économies à réaliser dans tout ce qui peut être gestion, logistique, prévision de la demande, gestion en temps réel, etc. A condition, évidemment, que l’entreprise dispose d’un volume important de données de qualité.
Et que ressort-il des témoignages que vous avez recueilli pour le secteur du retail ?
Beaucoup de directeurs financiers nous ont indiqué qu’ils utilisent déjà certains produits disponibles sur le marché, tels que des assistants virtuels de production comptable, voire l’outil d’IA conversationnelle Microsoft Copilot. Il est donc très encourageant de voir que les membres du « Club Retail RSM » ou leurs équipes ont déjà commencé à s’emparer du sujet dans leur quotidien, a minima. Pour autant, certains DAFs nous ont aussi indiqué être, d’une certaine façon, frustrés de ne pas avoir directement accès aux labs structurés par les DSI de leur groupe – qui sont rarement développés pour exploiter les données issues de l’expérience clients.
Dernier point à garder en tête : quelle que soit leur approche en matière d’intelligence artificielle, les entreprises doivent se conformer aux dispositions de l’AI Act, dès le printemps 2025. Et comme pour le RGPD, ce ne sera pas tant la crainte de contrôles qui prédominera que la volonté de bénéficier d’un effet systémique, en évoluant dans un environnement caractérisé par des relations saines entre les parties prenantes (clients, fournisseurs, etc.). Implémenter une nouvelle technologie telle que l’IA nécessitera donc d’y venir dans le respect de cet environnement réglementaire, pour en tirer parti efficacement.