« Continuer de se renforcer à l’international en multipliant les ancrages locaux. Tel est le prochain défi que s’est fixé Semin, un fabricant de matériaux de construction passé lors de ces dernières décennies du stade de la PME à celui de l’ETI. Le tout en s’affirmant comme un acteur clé de l’habitat responsable, comme en témoigne Caroline Semin, la directrice générale représentant la 6ème génération familiale aux commandes.
Depuis la création de Semin en 1838, le profil de l’entreprise a sensiblement évolué, en particulier sous l’impulsion des deux dernières générations de la famille que vous représentez. Comment avez-vous opéré cette transformation, initiée par votre père ?
Semin a en effet changé d’envergure au cours des dernières décennies, tout en demeurant une entreprise familiale. Ayant conforté notre place de spécialiste de la fabrication de matériaux destinés aux professionnels du bâtiment, nous avons enregistré un chiffre d’affaires de 240 millions d’euros, en 2024. Et cette performance reflète le travail des quelque 900 personnes que nous regroupons, alors qu’il n’y avait que douze collaborateurs lorsque mon père en a repris les commandes, en 1982. Une telle évolution s’est d’ailleurs opérée en parallèle d’une ouverture à l’international, puisque la moitié de nos effectifs sont basés en dehors de l’Hexagone et que nous avons adjoint à nos neuf implantations françaises un site à Barcelone, deux en République tchèque et un autre en Russie. A ce stade, 40 % de nos revenus proviennent de l’exportation dans un peu plus de 70 pays.
Ce qui demeure inchangé, c’est notre volonté d’investir significativement dans l’innovation et la R&D. Chaque année, nous y consacrons entre 3 et 4 millions d’euros, de sorte à être en mesure de proposer de nouveaux produits au marché et de pousser nos pions dans des domaines que nous avons adjoints à la fabrication d’enduits utilisés pour jointer les plaques de plâtre, notre cœur de métier. C’est dans cette logique que nous nous sommes dotés d’usines de construction de profilés et d’ossatures métalliques, de fabrication d’isolants écosourcés et biosourcés, de fabrication d’enduits en pâte prêts à l’emploi et de peintures…
L’élargissement de vos domaines d’intervention s’est accompagné de la mise en place d’une stratégie RSE. De quelle façon avez-vous abordé cette question ?
Il faut avoir à l’esprit que nous regroupons des métiers connexes mais extrêmement variés d’un strict point de vue industriel. Notre activité historique relève de la formulation de produits, pour laquelle comptent la qualité de nos matières premières ainsi que la recette employée. Pour les ossatures métalliques, nous explorons un autre univers autour de l’acier, alors que les bandes utilisées pour sceller les plaques de plâtre nous amènent à travailler le papier. Quant aux isolants, ils requièrent encore une autre approche, où les processus industriels intègrent une phase de chauffe.
L’approche RSE pour chaque métier se fait donc de façon pragmatique, même s’il s’agit à chaque fois de contribuer à un habitat responsable pour un avenir durable avec les nouveaux produits proposés. Pour ce qui concerne les isolants, par exemple, notre point de départ était d’identifier les gisements exploitables pour produire les volumes importants dont le marché a besoin. C’est à la suite de cette réflexion que nous avons initié une approche basée sur le recyclage de bouteilles en plastique et que nous cherchons à en faire de même en recyclant des textiles. Ici, l’enjeu est simple : alors que plus de 800 000 tonnes de vêtements arrivent sur le marché en France tous les ans, seules 250 000 tonnes de produits usagés sont collectées et triées – dont 93 % sont exportées. Il existe donc un réel gisement à exploiter pour être en mesure de concurrencer les isolants traditionnels.
Nos ambitions dans ce domaine se traduiront par l’étoffement de l’équipe dédiée au métier isolation – sachant qu’une dizaine de personnes présentes au siège œuvre déjà de son côté autour de notre cœur de métier. Nous projetons ainsi de remonter la filière isolation en compagnie de l’association Tremplin, basée à Bourg-en-Bresse, en structurant au premier semestre 2025 un centre de tri couvrant l’agglomération lyonnaise et qui sera le premier en France à ne rien exporter dès sa mise en place.
Et quelles sont vos perspectives alors que s’achève votre projet d’entreprise défini en 2019 ?
Dans la décennie à venir, les isolants biosourcés devraient représenter jusqu’à 50 % de nos revenus. Telle est notre ambition car il existe de belles opportunités de marché, en France comme dans nos pays voisins. Cette activité, qui représente actuellement 12 millions d’euros de chiffre d’affaires, devrait déjà en générer plus de 60 dans les deux ou trois prochaines années.
En parallèle, nous affichons de fortes ambitions à l’international. Nous sommes principalement déployés en Espagne, en Allemagne et au Portugal, mais nous cherchons à nous développer au Royaume-Uni, en Pologne et dans les pays de l’Est, afin d’y accroître nos performances en étant présents localement. Nous ciblons aussi l’Afrique, avec un projet d’usine au Maroc qui devrait compléter notre maillage du Maghreb en complément de notre installation en Algérie. Et à plus moyen terme, nous chercherons à nous déployer sur le continent américain.
Nous avions d’ailleurs dévoilé ces projets de croissance – menés en interne ou par le biais d’acquisitions – au printemps 2023, lorsque nous avons ouvert notre capital à un trio d’investisseurs minoritaires, GEI, BNP Paribas Développement et Bpifrance. Ce fut aussi l’occasion d’y associer notre équipe de direction, dans une optique de fidélisation des talents en interne. L’étape suivante se décide en ce moment : nous sommes en train d’élaborer notre projet à horizon 2028, avec l’ambition renouvelée de devenir un acteur impactant de l’habitat responsable.