Alors que le sujet est source d’appréhension pour les directions financières des entreprises, ces dernières devront pourtant être en capacité de recevoir des factures électroniques dès le 1er juillet 2024. Mathias Crottereau et Mathilde Jounot, respectivement directeur associé conseil et directrice expertise conseil, nous éclairent sur les bonnes pratiques à implémenter en vue de l’entrée en vigueur de la réforme.
Les factures électroniques vont progressivement entrer dans le quotidien des entreprises à partir du 1er juillet 2024. Pouvez-vous nous rappeler ses enjeux et les prochaines échéances de sa mise en œuvre ?
Mathilde Jounot :
Effectivement, la facturation électronique va devenir le nouveau standard pour les entreprises d’ici à 2026. Les objectifs de cette réforme sont multiples :
- Renforcer la compétitivité des entreprises grâce à l’allègement de la charge administrative, à la diminution des délais de paiement et aux gains de productivité résultant de la dématérialisation ;
- Simplifier, à terme, les obligations déclaratives des entreprises en matière de TVA grâce à un pré-remplissage des déclarations ;
- Améliorer la détection de la fraude, au bénéfice des opérateurs économiques de bonne foi ;
- Améliorer la connaissance en temps réel de l’activité des entreprises pour permettre un pilotage de la politique économique au plus près de la réalité économique des acteurs.
Mathias Crottereau :
En ce qui concerne les échéances, elles arrivent vite ! Dès l’année prochaine, le 1er juillet 2024, toutes les entreprises doivent avoir la capacité de recevoir des factures électroniques.
Pour ce qui de l’émission de facture par voie électronique, seules les grandes entreprises devront s’y conformer dès le 1er juillet 2024.
Pour les ETI, cette obligation interviendra le 1er janvier 2025, tandis que les PME et TPE auront jusqu’au 1er janvier 2026.
Ces deux prochaines années, les entreprises auront en conséquence plusieurs canaux de réception de facture :
- Facturation électronique
- Les canaux historiques : papier, PDF, EDI.
Ce calendrier progressif doit permettre à toutes les entreprises de prévoir dès aujourd’hui leur mise en conformité avec cette obligation.
Justement, afin de se mettre en conformité dès aujourd’hui, de nombreuses entreprises se questionnent à juste titre sur l’éditeur qu’elles doivent choisir. Mais quelles étapes interviennent avant ce choix ?
Mathilde Jounot :
Nous conseillons à nos clients de ne pas se diriger précipitamment vers des éditeurs pour choisir des PDP (plateforme de dématérialisation partenaire) car celles-ci ne sont pas encore accréditées (NDLR : le calendrier de l’administration fiscale prévoit une ouverture du service d’immatriculation des plateformes de dématérialisation partenaire en mai/juin 2023, pour une publication de la liste des PDP immatriculés en décembre 2023).
Les éditeurs de solutions de dématérialisation historiques ont déjà communiqué sur le fait qu’ils seront accrédités PDP (plateforme de dématérialisation partenaire). Il y a également des nouveaux acteurs qui émergent et qui, eux aussi, prétendent qu’ils se verront accorder le statut de PDP. Seulement, bien souvent ils ont encore de nombreux efforts à fournir s’ils souhaitent atteindre cet objectif. J’invite les entreprises à faire preuve de prudence à l’égard de ces entreprises. C’est une question de sécurité.
En outre, avant de choisir la plateforme, il convient de mener des travaux préalables en interne, à commencer par une analyse fine de l’existant. Il est nécessaire de bien définir l’ensemble des flux, des cas d’usages, des outils de facturation et de l’architecture SI.
Mathias Crottereau :
Le diagnostic de l’existant permet en effet d’avoir une vision bien précise des outils et des process pour ensuite définir différents scénarios.
Parmi ces scénarios, l’entreprise peut, par exemple :
- Avoir un ERP qui va être relié directement à la PDP,
- Avoir un ERP passant par un opérateur de dématérialisation et ensuite une PDP,
- Avoir un ETL entre l’ERP et la PDP.
En fonction du scénario retenu, il faut savoir que certains acteurs seront mieux positionnés que d’autres.
Dans quelle mesure la facturation électronique est un projet transverse ?
Mathilde Jounot :
Ce projet présente de multiples enjeux à appréhender notamment IT, process, fiscaux et organisationnels. C’est un changement majeur, en particulier pour les opérationnels. Avant, les équipes avaient des factures entre les mains, en direct. À la faveur de la réforme, ce ne sera plus le cas. D’où la nécessité pour les entreprises de mener une réflexion de fond visant, entre autres, à repenser le flux de validation des factures.
Mathias Crottereau :
La facturation électronique ne manquera pas d’impacter différents services de l’entreprise. C’est un projet qui va toucher à la fois la direction fiscale, la direction administrative et financière, ainsi que la direction des systèmes d’information.
Pour les entreprises, quels sont les points-clés à mettre en place dans les prochains mois ?
Mathias Crottereau :
Nous invitons les entreprises à anticiper la mise en place de la réforme face au goulot d’étranglement qui touche déjà l’ensemble des prestataires qui vont intervenir sur le sujet que ce soient les cabinets de conseil, les intégrateurs ou bien les éditeurs.
Ce travail d’anticipation permettra également aux entreprises de se familiariser au mieux avec la réforme. Il faudra veiller, dès cette phase, à embarquer toutes les parties : DAF, DSI, direction fiscale, ADV et ADA. Il est important de définir la bonne co-gouvernance appropriée, avec le bon sponsor permettant d’impliquer toutes les parties prenantes.
Mathilde Jounot :
Ne vous engagez pas trop vite avec les éditeurs ! Il ne faut pas oublier que les PDP n’en sont qu’au stade de maquettes. Au départ les accréditations devaient intervenir fin mars. Cette date a été repoussée même si le calendrier de la réforme demeure inchangé.
In fine, plusieurs étapes semblent incontournables : définir la gouvernance du projet, diagnostiquer l’existant, choisir son architecture cible et sa plateforme de dématérialisation.
La réforme doit être vue par les entreprises comme une opportunité d’automatiser et de sécuriser les flux entrants et sortants, et non comme une contrainte de mise en conformité.