En tant que leader européen des conduits de cheminée et sorties de toit en inox, Poujoulat célèbre cette année ses 75 ans d’existence. L’occasion pour cette entreprise familiale niortaise de retracer son parcours dans Objectif ETI, d’autant que les phases de transformation structurantes font partie intégrante de son ADN, comme le rappelle Frédéric Coirier, son PDG depuis une vingtaine d’années.
Poujoulat est aujourd’hui un groupe international implanté dans une dizaine de pays européens, totalisant 1 800 collaborateurs et près de 360 millions d’euros de chiffre d’affaires. Racontez-nous comment vous êtes parvenus à lui donner cette envergure…
Mon père avait racheté Poujoulat dans les années 1970 et, en toute logique, s’est posée vingt ans plus tard la question d’identifier la suite qu’il fallait donner à cette histoire entrepreneuriale. Tandis que l’éventualité d’une vente ou d’une transmission se présentait naturellement, les rencontres avec différents investisseurs nous ont fait prendre conscience du potentiel de croissance de l’entreprise et de l’intérêt à continuer de la développer par nous-mêmes. C’est alors que j’ai décidé d’y apporter ma contribution et j’ai donc orienté mes études de commerce, émaillées d’expériences en France et à l’international, dans l’idée d’en reprendre un jour, peut-être, la direction. A la suite de quoi j’ai rejoint Poujoulat en 1999 avant d’en prendre la tête trois ans plus tard, après avoir validé les grandes orientations stratégiques avec les équipes qui travaillaient déjà aux côtés de mon père. Nous avons ainsi conservé le cœur de ce qui avait été construit, en vue de nous projeter dans un nouvel univers.
En quoi cette phase « préalable » vous a-t-elle été utile en tant que dirigeant ?
Je souhaitais avant tout intégrer l’entreprise après avoir bénéficié de premières expériences qui pourraient être mises à profit pour développer Poujoulat, en m’appuyant sur les équipes en place. En ayant choisi de travailler pour d’autres chaudiéristes et des entreprises industrielles, je nourrissais en particulier le projet d’évoluer dans plusieurs univers, de sorte à être en mesure de nous conférer ensuite une autre dimension, puisque nous étions à l’époque une entreprise plutôt française et centrée sur les conduits de cheminée. C’était essentiel car, très tôt, nous avions identifié qu’il fallait envisager des diversifications à la fois métiers et géographiques pour amplifier notre croissance.
De telles phases de transformation font partie intégrante de l’ADN et de l’histoire de Poujoulat. Lorsque mon père l’avait reprise à M. Poujoulat, il s’agissait déjà de passer du statut de sous-traitant, très dépendant d’une clientèle de donneurs d’ordre, à celui de créateur de produits vendus sous sa propre marque (Cheminées Poujoulat) aux professionnels du bâtiment. Ensuite, une phase d’internationalisation menée par le biais d’acquisitions a permis à la fois de déployer de nouveaux savoir-faire et de donner à notre PME « de niche » l’envergure d’un leader européen.
De forts investissements dans la logistique et l’informatique – qui, à l’époque, n’étaient pas innés dans le domaine de l’industrie – ont alors permis de franchir de nouveaux caps. Nous avons ainsi développé une nouvelle activité dans l’industrie, en élargissant notre clientèle vers les entreprises industrielles, le traitement des déchets, l’environnement, etc. Puis nous avons constitué une filière dédiée au bois énergie sous forme de bûches et de granulés, par nature complètement différente de ce que nous faisions dans l’équipement… Et les actions de déploiement menées actuellement dans l’univers de la ventilation (avec l’offre VITALOME) démontrent, une fois encore, que nous avons toujours cherché à ouvrir de façon régulière de nouvelles opportunités, au fur et à mesure que d’autres segments autrefois porteurs devenaient potentiellement moins essentiels. Le tout en nous appuyant sur nos savoir-faire industriels et commerciaux pour répondre aux nouveaux besoins du marché. C’est ainsi qu’en l’espace d’environ 25 ans, notre chiffre d’affaires est passé de près de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires à quelque 360 millions aujourd’hui.
Quels financements avez-vous mobilisé pour cette trajectoire ?
A la fin des années 1980, nous avons été cotés en Bourse, en étant d’ailleurs la plus petite introduction en France. Cela a permis à mon père de mener ses premières acquisitions à l’étranger. Je ne sais pas si nous retiendrions de nouveau cette option aujourd’hui mais, depuis, nous avons pris le parti de mobiliser nos propres ressources financières pour appuyer notre développement : nous réinvestissons chaque année 80 % de nos bénéfices. Disposer d’un bilan solide permet de se donner du temps, d’être souverain, de choisir ses axes de croissance. Finalement, la stabilité est facteur de vitesse ! Nous n’aurions pas pu mener des transformations profondes de l’entreprise si nous n’avions pas disposé du temps nécessaire…
C’est d’ailleurs ce qui caractérise nombre d’ETI, à mon sens : grâce à une gestion rigoureuse, il est possible de se donner la latitude nécessaire pour porter une vision de long terme. Même si une trajectoire de croissance n’est jamais rectiligne – et les dernières années nous ont rappelé à quel point c’était impossible ! –, il est crucial de définir ses objectifs et d’anticiper ce que doit devenir l’entreprise pour en assurer la pérennité.