Une étude publiée en avril 2025 par le Haut-commissariat à la stratégie et au plan confirme que les PME hésitent à recruter à l’approche du seuil de 50 salariés, en raison des obligations sociales qui s’appliqueraient une fois ce cap franchi. Pourtant, ces contraintes s’avèrent limitées et les bénéfices à retirer sont réels, comme l’explique Luc Petiteau, associé de RSM.
L’idée est souvent avancée que les dirigeants d’entreprise hésitent à franchir le seuil des 50 salariés en raison des contraintes que cela pose en matière d’obligations sociales. Est-ce toujours le cas ?
Il est vrai que cette question peut souvent être vue comme un frein au développement des PME, entre autres en raison de l’obligation de mettre en place un accord de participation. Mais le regard que portent les dirigeants sur les conséquences du franchissement de seuil a commencé à évoluer ces derniers mois, du fait de l’entrée en vigueur de la loi « Partage de la Valeur », au regard de laquelle les entreprises de 11 à 49 salariés doivent choisir entre la mise en place d’un plan de participation ou d’intéressement, le versement d’une prime de partage de la valeur ou l’abondement à un plan d’épargne salariale.
Il y a donc un abaissement du seuil à prendre en considération au regard de cette obligation de partage de la valeur mais, dans les faits, les dirigeants de PME doivent aussi avoir à l’esprit que le corpus législatif mis en place n’est pas extrêmement contraignant. Ainsi, comme il est précisé notamment dans la Loi Pacte de 2019, toute entreprise qui franchit le seuil des 50 salariés dispose d’un délai de cinq ans pour mettre en place un accord de participation.
Qui plus est, même si le franchissement de ce seuil de 50 salariés entraîne des taux de cotisation plus élevés, cela reste peu significatif. L’abondement au Comité social et économique (CSE), mis en place à partir de 50 salariés, coûte un minimum de 0,2 % de la masse salariale pour son budget de fonctionnement, auquel s’ajoute un pourcentage destiné aux œuvres sociales, à déterminer mais non obligatoire.
Que dire des autres obligations juridiques liées à ce franchissement de seuil ?
La plupart d’entre elles sont loin d’être insurmontables ! Ainsi, disposer d’un règlement intérieur ne constitue pas une forte contrainte – chez RSM, nous encourageons d’ailleurs les entreprises à en établir un dès la présence de 10 salariés, ne serait-ce que pour disposer d’un cadre pour gérer toute situation usuelle (comme la présence sur le lieu de travail d’une personne en état d’ébriété, par exemple). Idem pour ce qui concerne la mise en place d’une procédure d’alerte, le calcul d’un index hommes-femmes, la structuration d’un plan égalité hommes-femmes – pour laquelle on attend une réforme des modalités de calcul – ou encore l’élaboration d’un plan de prévention sur la pénibilité au travail. Autant de missions qu’il convient de confier à une personne en interne (il s’agit souvent du dirigeant lui-même) ou à un prestataire tel que nous.
En revanche, nous constatons que tout ce qui a trait au dialogue social constitue un frein majeur au franchissement du seuil des 50 salariés : en raison de mauvaises expériences, les dirigeants-fondateurs préfèrent souvent éviter de composer avec la présence d’un CSE. Il est vrai qu’être dans l’obligation de transmettre nombre d’informations aux représentants des salariés, même de façon confidentielle, relève du changement de culture, mais par voie de conséquence, on ne saisit pas l’opportunité que constitue cet organe pour rythmer le dialogue au sein de l’entreprise. Quant à l’idée de devoir faire face à un délégué syndical ou même de prendre contact avec les cinq principales organisations syndicales pour organiser le protocole des élections des membres du CSE, elle représente une crainte majeure alors que, en réalité, il n’y a là généralement aucun danger.
Pour tout dirigeant, se mettre en disposition d’accueillir un CSE nécessite une démarche d’organisation et constitue un travail à part entière. Voilà pourquoi nous proposons notamment des programmes de formation destinés à la fois aux chefs d’entreprise mais aussi aux nouveaux élus du CSE (en complément de leur formation obligatoire), de façon à leur permettre de fluidifier leurs échanges et de dérouler leur programme à venir la première année. Rien n’est plus contre-productif qu’un fondateur qui resterait en mode « c’est moi qui décide »… comme on peut le voir parfois.
Pour quelles raisons plaidez-vous pour l’existence de ces organes de représentation des salariés ?
A mes yeux, il serait dommage de se priver de cet outil favorisant la communication au sein des entreprises, y compris dans des périodes où la conjoncture économique s’avère plus difficile. D’expérience, les salariés sont toujours très à l’écoute lors de la mise en place d’un dialogue les informant de la situation de l’entreprise et du marché dans lequel elle évolue – même lorsque celle-ci rencontre des difficultés.
J’ai notamment à l’esprit cet exemple récent où, en réponse à une demande d’augmentation du prix unitaire du ticket restaurant émanant des salariés, le CSE leur a fait valoir que ce n’était pas « le sujet du moment » et qu’il valait mieux, selon son analyse, mobiliser les ressources financières pour favoriser la formation, au vu de l’importance que prenait l’IA dans leur secteur d’activité.
Contrairement à ce qu’il est possible de connaître dans les TPE, il est compliqué de communiquer avec chacun des salariés d’une PME. Mieux vaut donc s’y consacrer en pleine connaissance de cause, car entretenir le dialogue représente un formidable facteur de stabilité.


