En France, beaucoup considèrent que passer les rênes d’une société familiale est un sujet qui peut se gérer dans un laps de temps réduit. Erreur ! Pour assurer une transmission en douceur, mieux vaut agir dans la durée. A l’instar de Philippe Guérand, à la tête de Sier Constructeur.
L’histoire n’a rien d’anecdotique. Un dirigeant de société, à peine la rentrée de septembre effectuée, annonce à son conseil financier qu’il lui faut trouver une solution pour transmettre son entreprise familiale avant le 31 décembre. Signe, s’il fallait encore, que cette problématique n’est que trop peu souvent anticipée.
« Ce n’est pas dans la culture française, admet Philippe Guérand, le président de Sier Constructeur, également à la tête de la CCIR Auvergne-Rhône-Alpes, depuis fin 2016. Beaucoup de petites entreprises familiales, en particulier, ne préparent pas leur transmission. Elles ne font pas non plus appel à des cabinets de conseil. Etant donné la vague de ‘baby-boomers’ qui devra gérer ce sujet prochainement, nous essayons d’y remédier dans le cadre de nos activités à la CCI. Nous mettons en place des bourses spéciales et des formations. » Faut-il encore que les personnes concernées rompent avec la « solitude du dirigeant » et envisagent d’échanger sur le sujet. Un changement d’attitude qui se révèle être central dans le cas des PME familiales.
Avec l’expert-comptable et l’avocat
Philippe Guérand est un fervent partisan de cette méthode. Il l’utilise dans l’entreprise familiale qu’il dirige. « Deux éléments ont permis cette approche, explique-t-il. D’une part, au sein de notre famille, nous avons toujours considéré que l’entreprise prévalait sur le patrimoine personnel. Ce qui nous a naturellement amené à la question de la transmission. D’autre part, nous avons eu la chance de faire deux rencontres clés : notre expert-comptable et notre avocat. Nous avons eu une entente fantastique, ainsi qu’une intimité de pensée et d’analyse. »
Travailler main dans la main avec son expert comptable et son avocat permet d’appréhender le sujet de la transmission comme un véritable investissement. Ne serait-ce que pour arrêter la pertinence des choix dans les outils à retenir. Encore faut-il ouvrir le dialogue sur tous les sujets ! « Nous leur avons ouvert la totalité des livres, sur la société et à titre personnel. Il faut d’ailleurs tout leur dire. Y compris les erreurs qui ont pu être commises. C’est à cette condition que peuvent être définies et adoptées les solutions optimales », analyse Philippe Guérand.
Pour une transmission permanente
De fait, cette approche est antinomique avec une prise de décision rapide. Au contraire, la logique qui prévaut ici consiste à miser sur la cohérence d’une vue d’ensemble de l’entreprise et de son environnement et des décisions qui sont prises pour son essor. « Pour nous, la transmission est permanente, souligne le dirigeant. C’est d’autant plus vrai que nous préservons en priorité notre patrimoine, à savoir l’entreprise, en lui donnant les moyens dont elle a besoin et en privilégiant l’investissement aux dividendes. » En cela, il est une autre vertu : les soubresauts liés à la conjoncture affectent moins un processus de transmission ancré sur plusieurs années, voire décennies. Une nécessité, lorsqu’il s’agit d’inclure les jeunes générations dans une telle mutation.